Ryan poussa un gémissement lorsque les rayons du soleil vinrent l'éblouir. Il faudrait un jour penser à réorganiser cette "chambre" de manière à ce que sa tête soit toujours à l'ombre. Ou peut-être investir dans des rideaux, ce qui pourrait être utile un jour ou l'autre. En même temps, il était rare que le soleil l'éblouisse ainsi. Par réflexe, il attrapa son oreiller et l'écrasa sur son visage en râlant. Puis il y eut le déclic. Il ouvrit les yeux d'un coup. Si le soleil l'éblouissait, ça signifiait bien que l'heure était assez... avancée. Il jeta le coussin à l'autre bout du lit et se tourna avec difficulté pour regarder le réveil. Il avait bien fait de vérifier l'heure... Oui. Dix-sept heures. Ce n'était pas son record, non loin de là, mais c'était une performance digne de figurer dans les annales, admettons-le. Il avait veillé tard, avait passé la nuit et les premiers heures du jour sur son ordinateur, à trafiquer tout et n'importe quoi. Il s'était finalement couché vers six heures du matin et avait dormi sans interruption. Rien de dramatique jusque là, vous en conviendrez. Excepté un détail, insignifiant peut-être à vos yeux, mais très important en réalité. Il lui restait deux heures avant que sa sœur adorée ne sonne à sa porte. Deux heures. Alors oui. Deux heures, c'est suffisant pour enfiler des vêtements décents et régler deux ou trois détails. Mais ça, c'est parce que vous n'avez jamais vu le loft de Ryan...

L'espace est à l'origine, comment dire..., spacieux. Immense, avec des murs blancs et de larges fenêtres. Mais un désordre royal y règne. Outre son espace de travail qui est toujours rangé à la perfection, vous trouverez facilement des boites de pizzas entre deux t-shirt sales. Des bibelots inutiles que Ryan lui-même trouve hideux, étalés par-ci par-là... Et depuis combien de temps le ménage n'avait-il pas été fait là-dedans ? C'était l'un des grands mystères de notre siècle. Le frigo était vide, ou presque. Bref, il était impossible que ce loft ressemble un tant soit peu à un espace habitable d'ici deux heures. Ryan se leva sans attendre, se jetant littéralement hors du lit. Il enfila vite un jean et un t-shirt, passa une main dans ses cheveux pour arranger le tout, et se retrouva au milieu de ce grand foutoir. Il observa le tout, poussa un soupir. Pendant un instant, il réfléchit et se dit qu'il ferait mieux d'appeler Gen, de trouver une bonne excuse pour repousser leur petite soirée entre frère et sœur. Sauf que cela faisait trois fois déjà qu'il reportait... Ah, c'était tellement plus simple lorsqu'ils vivaient tous les deux sous le même toit ! Ryan soupira. Il se laissa tomber sur le canapé et fixa le plafond, puis, risquant de s'endormir et réalisant soudain qu'il avait du travail, il se releva d'un bond. L'heure suivante fut sans doute la plus intensive et difficile de toute sa vie. Il transforma son bazar sans nom en un bazar amélioré. Décidant finalement de faire une pause, il sortit du réfrigérateur une canette de soda et la vida en quelques gorgées.

Dix-huit heures trente. Il lui restait une demie-heure. Ryan balança d'un coup de bras tout ce qui reposait sur la table. Cette foutue table ne lui servait jamais, il mangeait toujours devant l’ordinateur ou la télévision. Quelques bouquins allèrent s'écraser sur le sol, s'ouvrant au passage. Ryan les poussa de quelques coups de pied et les cacha sous le canapé. Des feuilles sans intérêt avaient volé dans l'appartement, et il se promit de les ranger plus tard. Finalement, il se décida à mettre la table, plus ou moins. Assiettes en plastique à défaut d'avoir autre chose. Il trouva cependant les couverts et des verres. Il partit à la recherche de chaises, dissimulées dans un coin ou un autre du loft. Voilà, c'était prêt. Il mit les fameuses feuilles de côté, et prit une bonne inspiration. Il avait l'impression d'avoir fait ce qu'il fallait jusque là. Rien n'avait été oublié, du moins, ... il l’espérait. Et la sonnette retentit. Elle le tira de sa réflexion poussée, de son analyse, et il daigna marcher jusqu'à la porte d'entrée. Par prudence, il vérifia si c'était bien Genesis. Oui, c'était elle. Il sourit et ouvrit la porte.

J'étais d'une humeur massacrante. Peut de personnes pouvaient me mettre dans cet état là, mais Nikolaï était plus que doué dans ce domaine, il excellait, on pouvait pas lui retirer ça. Aujourd'hui entrainement à la NSA, et Nick avait, avec toute la mauvaise foi du monde, accepté de se coltiner la bleu. Il avait pas l'air particulièrement au sommet de sa forme et je m'étais permis de faire une remarque, rien de choquant la dedans non ? Ca avait du m'échapper, que je le trouvais "Plutôt mou en vieux aujourd'hui", et le tout sur un ton involontairement – oui involontairement – provocateur. Je crois que ça lui avait pas particulièrement plu. Non, en fait, je suis sure que ça lui avait pas particulièrement plu. Parce qu'il avait commencé à prendre notre petit combat au sérieux, je l'avais senti, la tension avait été palpable, et si les personnes autour de nous pouvaient encore avoir un doute, nous avions tous les deux très bien compris que ce n'était plus de l'entrainement, et que si ça n'avait pas dégénéré ça n'en était pas passé bien loin. Puis j'étais rentrée chez moi, j'avais filé sous la douche, et en en ressortant j'avais eu le plaisir de voir une marque rouge de taille moyenne qui commençait presque déjà à virer de couleur sur mon bras. Laissant échapper un jurons je m'étais rhabillée, parce que oui ce soir je sortais. En temps normal vu l'humeur massacrante de laquelle j'étais ça m'aurait plus saoulée et mise encore plus de mauvaise humeur que je ne l'étais déjà, mais nous n'étions pas en temps normal. Ce soir je mangeais chez Ryan, et cela faisait un moment que nous ne nous étions pas vus. Avec ma mission sous couverture j'avais plus une seconde pour moi et mon frère me manquait.

Nous avions grandit ensembles, j'avais treize ans quand il était venu vivre chez nous. Et si à la base je ne connaissais pas du tout ce bonhomme un peu associable me donnait sérieusement l'impression de venir envahir mon espace vital, nous nous étions rapidement réellement entendus. Nous étions très très différent. Il était plutôt du genre ordinateur et aucune relation avec le monde extérieur, et j'étais déjà à cet âge là quelqu'un qui ne peut pas tenir en place. Mais il m'attendrissait, c'était bien la seule personne encore capable de faire ça, depuis la giffle que j'avais prise dans la figure avec la mort de Shane. Ryan était un peu un gros ours en peluche sur patte, la plupart des gens auraient pensé qu'il était autiste, ou attardé ou un truc du genre au premier abord. Pourtant c'était presque l'opposé, tout le contraire. J'adorais mon frère. Et j'avais comrpis depuis longtemps que non seulement il était impossible à changer, mais également que j'en avais aucune envie.

J'avais donc rapidement enfilé des fringues, et là j'avais le choix puisque mon dressing était la seule pièce que j'avais amménagée en dehors du salon et de la salle a manger cuisine. Mon père m'avait laissé une somme confortable d'argent, bon autant dire les choses comme elle le sont, j'étais pratiquement millionnaire. Bon aux dernière nouvelle j'étais même millionnaire. Et pourtant je vivais toujours dans un magnifique T4, dans lequel je n'avais amménagé aucune chambre. Je dormais sur un matelas deux places dans mon salon. De toute façon personne ne venait jamais ici. Lorsque j'étais avec Shane j'avais finis par aménager plus ou moins une chambre, mais après sa mort mon appartement avait retrouvé son apparence d'origine rapidement. Au moins on pouvait pas dire que c'était le bordel, c'était toujours super bien rangé hein... Une fois habillée je m'étais légèrement maquillée – pas besoin de faire la totale, j'allais voir mon frère donc bon, et j'avais attrapé mon sac et mes clef de voiture avant de quitter mon appartement. Ryan vivait dans le quartiers des affaires de la ville, le même que moi, mais assez loin pour pas que j'ai envie de faire le trajet à pied, qui prenait facilement plus d'une demie heure. Un autre jour donc pour la petite promenade de santée, j'étais montée dans ma voiture, et allumant le contact je m'étais allumé une clope. Fumer en voiture c'était quelque chose que je pouvais pas m'empêcher de faire, et là que j'étais de mauvais poil, c'était salvateur. Inspirant une bouffée de nicotine je sentis mes muscles se détendre. Ma sensation la plus agréable de la journée, cette clope était mon moment le plus agréable de la journée. Je vous voir venir tout de suite, la cigarette tue, c'est mal... Je suis pas une accro non plus. Je fumais trois ou quatre clopes par jour depuis l'armée, c'est la bas que j'avais commencé, pour me débarasser de ma frustration et parfois de mon envie de frapper quelqu'un sans le faire et me retrouver avec une sanction sur les bras. Oui, j'ai un problème caractériel et je l'assume.

Finalement me garant devant chez Ryan j'avais rapidement finis mon cigarette avant de l'écraser dans le cendrier de ma voiture. Ryan appréciais pas particulièrement que je fumes chez lui, donc bon, je préférais éviter. Je montais rapidement les marches qui menaient au loft de Ryan. Si mon appartement était pratiquement vide, le sien était... Comment qualifier son appartement ? Je savais même pas pour ou commencer. Il essayait toujours de faire un effort quand je venais, mais on voyais bien qu'il avait du mal à mettre en ordre ses affaires. Et c'est ce que je pus constater quand après avoir sonné il m'ouvrit la porte et s'effaça quelques secondes pour me laisser entrer. Je ne pus réprimer un sourire.

« Mon frère est vraiment un as du rangement, rien ne change décidement ! » Je l'avais serré dans mes bras, avant de me détacher de lui. « Ca me fait vraiment plaisir de te voir Ryan, trois semaines c'est bien trop long. » J'aimais mon frère. Il devait bien être une des seules personne à laquelle je tienne encore. J'aimais son côté bordélique et j'en ai rien à foutre de la vie.

Genesis. Sa sœur. Ou tout simplement la seule femme sur terre avec laquelle il se sent à l'aise. La seule personne peut-être même. Il pouvait lui parler de tout et n'importe quoi, il n'y avait jamais de malaise entre eux. Gen était tout ce qu'il lui restait, sa seule famille. Elle était une sœur, une amie. Il tenait à elle plus qu'à n'importe qui ou quoi. Il n'avait pas le rôle du grand frère qui prenait soin de sa petite sœur, mais il veillait sur elle, comme elle veillait sur lui. A vrai dire, c'était plutôt symbolique, car dans une situation critique, il ne serait pas en mesure de l'aider énormément. C'était plutôt l'inverse. Ryan n'était pas le genre de mec à montrer sa force. Peut-être parce qu'il n'en avait pas beaucoup tout simplement... Mais il était plutôt timide, réservé. Il n'était pas un agent de terrain, tout ce qu'il faisait c'était pianoter sur un clavier. Mais il était un frère digne de ce nom, et il prenait soin de sa frangine. Il y avait dans leur relation une part d'admiration aussi. Ryan avait toujours vu Genesis de cette façon, même si les choses avaient évolué avec le temps. Elle était si différente, et il la voyait plus comme une grande sœur. Il avait l'impression qu'elle pouvait tout gérer, tout supporter aussi. Qu'elle se relevait toujours. Et il était bien placé pour le savoir, après avoir grandi à ses côté, et en la suivant à la trace lors de chaque mission. S'il lui arrivait quelque chose, il serait le dernier à entendre sa voix, et la dernière voix qu'elle entendrait. La voix dans l'oreillette. Il était le guide. Il prenait soin d'elle à sa manière.

La porte s'ouvrit et il adressa le plus large des sourires à sa sœur. Trois semaines, c'était beaucoup trop long. Mais Genesis était en infiltration à la NSA, et tout son emploi du temps tournait autour de ça. Ryan ne pouvait lui en vouloir. De plus, lui même avait sa part de responsabilité. Mais peu importait, ils allaient profiter de cette soirée. « Mon frère est vraiment un as du rangement, rien ne change décidément ! » Il sourit de plus belle. Ryan l'avait vue inspecter les lieux du regard dès qu'il eut ouvert la porte. La différence entre eux deux était que lui entassait les choses inutiles, tandis qu'elle vivait dans la plus grande des simplicités. Il avait du voir son appartement quelques fois seulement. Il savait que Gen n'aimait pas particulièrement que l'on mette les pieds chez elle, dans son espace. Mais il était bien sûr son frère, et la porte de la jeune femme lui serait toujours ouverte, il le savait. Tout comme lui-même accueillerait toujours sa sœur. Elle le serra dans ses bras, et Ryan se rendit compte que le temps passé avec sa sœur lui avait manqué. Leurs moments privilégiés, ces instants de bonheur et d'insouciance. Ça lui rappelait l'enfance, l'adolescence, le passé. Peut-être que c'était l'une des raisons pour lesquelles il était si lié à Genesis... Les évènements de l'enfance les avaient unis, rapprochés. Et à force de vivre ensemble, au travers des épreuves, il était devenu indispensable pour chacun d'eux de se trouver en présence de l'autre pendant un certain temps. Ils avaient surmonté beaucoup de choses tout les deux, s'épaulaient et veillaient l'un sur l'autre. Au moins, chacun était certain d'avoir sa bonne étoile, son ange gardien. Et ils pouvaient être sûrs que cet ange ne les abandonnerait pas, et que l'étoile ne perdrait pas de sa lumière.
Ils avaient beau se croiser sans cesse à la corporation, ce n'était pas la même chose. Ryan avait besoin d'une sœur, pas d'une collègue. Et Genesis ne pouvait remplir cette fonction pleinement qu'en dehors des murs du QG et de ses missions. Il savait que lorsqu'ils se retrouvaient dans cet appartement, il n'y avait plus de corporation, et ils étaient juste Genesis et Ryan. Rien de plus. Pas de combat contre la division, pas de danger et de risques. Juste un frère et une sœur qui profitaient de leur temps tous les deux, avant de reprendre le chemin du travail et de passer d'autres semaines sans pouvoir s'accorder de temps. Il fallait profiter de cette soirée. « Ça me fait vraiment plaisir de te voir Ryan, trois semaines c'est bien trop long. » Elle venait de mettre un son sur les pensées de Ryan. Il sourit en se détachant de sa sœur. Elle lui avait tant manqué, et ces trois semaines, elles avaient en effet été longues. « C'est la dernière fois qu'on attend aussi longtemps avant de se voir » lança-t-il sur un ton qui n'était pas à discuter. Mais au fond, il savait que ce serait toujours la même chose. Quand l'un ne travaillait pas l'autre était occupé. Entre Genesis et ses missions, Ryan et les diverses occupations qu'il avait. Et outre le fait qu'il était bien occupé chez lui, il lui arrivait de recevoir des coups de fil le priant de se présenter à la corporation sans attendre, souvent pour des petites bricoles. Mais il avait déjà été réveillé en pleine nuit par la sonnerie de son téléphone. Plusieurs fois, qui plus est.
Soudain, une odeur désagréable lui chatouilla les narines. Ah... Non. Cigarette froide. Très clairement. Genesis avait fumé juste avant de venir. Lui même n'avait essayé la cigarette qu'une seule fois, et il regrettait cette expérience. La seule et unique soirée à laquelle il s'était rendu, étant adolescent. Il avait cru s'être fait quelques amis ce soir-là, et lorsqu'ils le poussèrent à tirer une bouffée et qu'il manqua de s'étouffer, il entendit leurs rires et préféra rentrer chez lui. Les soirées n'étaient pas faites pour lui, et il était bien mieux enfermé dans son monde. Là, rien ne pourrait lui arriver. Pour en revenir à la cigarette, il en éprouvait une sorte de traumatisme. Lui-même ne fumerait jamais, et personne n'était autorisé à le faire dans son appartement. Il ne pourrait pas vivre dans un endroit imprégné de cette odeur infecte. Mais il savait que Genesis fumait, que ça lui arrivait, et elle savait qu'aucune cigarette ne serait allumée dans cet appartement. Alors ce n'était même pas étonnant qu'elle en ait grillée une sur le chemin. Ryan grimaça. « Tu pues la clope froide » Sa franchise était naturelle, amicale même. Ce n'était pas une critique, plutôt une remarque enfantine, innocente. Elle ne le prendrait pas mal. Ryan fit un pas en arrière et désigna de la main une pièce au fond du loft. « Va voir aux toilettes, y'a un spray désodorisant » Il ne connaissait pas les effets de ces produits sur la peau... Puis il ajouta en parlant plus fort. « Et n'hésite pas à vider la bouteille ! » Ryan ne put s'empêcher de sourire. C'était bon de la revoir...